Whistling psyché mise en scène Julie Brochen au TNS
©Whistling Psyché, Julie Brochen, TNS
Au-dessus
de la scène, des rangées de néons blafards et de rails supportant
de larges voiles blanchâtres, créant des couloirs aux parois
translucides. A l'intérieur de ceux-ci, un comédien qui restera
muet, fait rouler des lits d'hôpital de Cour à Jardin, accompagné
par un bruitage de train en marche. Sur un des voiles, de côté, est
projetée une horloge. Hôpital ou gare, ces deux lieux d'arrivée et
de départ sont visibles ici en surimpression. Nous sommes dans
l'espace intime des ultimes paroles de deux femmes, inspirées de
personnes réelles du XIXème siècle irlandais. L'une a dû
longtemps lutter pour être infirmière et la première femme décorée
de l'Ordre du mérite, tandis que l'autre s'est travestie en homme
pour survivre en s'engageant dans l'armée, et s'est vu refuser la
reconnaissance posthume pour son travail pionnier de docteur quand on
a su son sexe. Le texte de Sebastien Barry fantasme la rencontre des
deux héroïnes : le temps leur est compté et leur série de
monologues tendent peu à peu à rentrer en dialogue. Le propos est
évidemment féministe : faut-il choisir entre prôner ou renier sa
féminité pour espérer être un grand homme ? En réincarnant sur
scène les corps de ces deux femmes les comédiennes travaillent
cette question identitaire. Jouant avec la semi-transparence des
voilages, leurs silhouettes se cachent ou se découpent, leurs ombres
se multiplient sur tous les voiles vers le lointain, à l'image de
leur identité troublée, divisée. Celle-ci renaît peu à peu au
sein de leur discours, tandis que les rideaux blancs s'écartent l'un
après l'autre comme l'effeuillage d'une histoire personnelle au cœur de l'Histoire universelle, jusqu'au dernier pan de tissu
dévoilant une grande Psyché qui reflète une partie du public. Se
découvrant alors sur scène, au milieu de tout ce qui vient d'être
mis en jeu, le spectateur se trouve concerné, à la fois comme
voyeur et reflet de ces personnages réaffirmant leur identité. La
question lui est renvoyée en effet : qui est-il et quel est son rôle
? Que cela implique-t-il d'être spectateur - de la pièce mais aussi
de l'Histoire ? Que décide-t-on de retenir, d'honorer ou de juger ?
Gladys Vantrepotte
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