mardi 7 mai 2013

Révolution du chorégraphe Olivier Dubois


Révolution, du chorégraphe Olivier Dubois

© Révolution, Olivier Dubois


          Trois pulsations martèlent la pièce. Celle du Boléro de Ravel, celle des douze danseuses et celle du public. L'illustre ostinato rythmique entame la marche sans que l'on sache qui, au bout des 130 minutes de spectacle, aura tenu le coup, tant parmi les artistes que parmi nos voisins de fauteuil. Le dispositif scénique se limite à douze barres de pole-dance, axes autour desquels chacune des danseuses va effectuer sa révolution. Leurs vêtements noirs laissent éclairés les morceaux de chair qui vont être livrés à l'effort. Fortes dans leur vulnérabilité, leurs mains moites enserrent la barre qui devient tantôt piquet autour duquel faire les cent pas, noyau d'un champ de force que les corps en otage ne peuvent quitter, tantôt accessoire de combat, bâton de marcheur, ou soutien auquel se rattraper. La caisse claire assène ses coups et fait résonner les corps de toute la salle à l'unisson. Le temps s'égare dans une esthétique répétitive qui met tant à l'épreuve les actrices de la performance que la patience des spectateurs. La mécanique enclenchée par les corps synchronisés menace cependant plusieurs fois de se briser, lorsqu'une danseuse introduit un décalage ou un mouvement isolé dans la chorégraphie d'ensemble, ou effectue une brève halte. Ces perturbations témoignent de l'existence d'individualités au sein de la masse, et rendent les danseuses davantage volontaires qu'enrôlées de force puisqu'a priori rien en soi, sinon leur idéal, leur but à toutes et à chacune, ne les oblige à persévérer malgré l'épuisement. Sans que l'on puisse définir précisément la raison pour laquelle elles se battent, de nombreux symboles entrent en rotation sur scène et semblent moins évoquer un combat en particulier que l'idée même de la lutte. Engagées dans la création commune de ce fascinant ballet martial, elles chantent en silence l'implication physique et mentale qui lui permet d'exister. Enfin les dernières minutes laissent retentir l'orchestration terrible de la lutte finale, l'énergie du désespoir , et puis, brutalement, la musique disparaît. Seul, le souffle triomphant des corps épuisés nous retient encore, haletants.  


Maillon de Strasbourg
26 / 27 octobre 2012

Gladys Vantrepotte

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