mardi 10 janvier 2012

Hervé Bohnert


Vue de l’exposition Hervé Bonhert, qui s’est tenue Salle 27, au Palais Universitaire, Strasbourg, du 21 novembre au 2 décembre 2011.
Photographie de Magalie Brissaud

Hervé Bohnert commence sa pratique artistique à l’âge de quatorze ans. Après avoir réalisé des moulages en cire, l’artiste se tourne dès 1998 vers les clichés photographiques qu’il se réapproprie par grattage. Conçue à la base pour la création de cartes de vœux, cette technique l’interpellera au point qu’il décidera de la réutiliser sur de nombreuses autres photographies. Ses expérimentations le mèneront ensuite à la sculpture, puis au travail délicat de la dentelle (notamment avec Laure André). Depuis, il a développé un univers peuplé, entre autres, de crânes brodés, de crucifix, d’anciennes photographies et de chemises de nuit. Il récupère ces anciens objets et les transforme afin de leur donner un nouveau sens. Sculpteur anatomiste et dessinateur, il intervient sur ses matériaux pour y faire apparaître squelettes et fantômes, leur donnant ainsi l’aspect de memento mori.
Mais Hervé Bohnert ne capitalise pas sur son travail d’artiste. Ayant un métier à côté, ses expérimentations plastiques traduisent un réel besoin de créer, la vente de ses œuvres lui permettant simplement de continuer à en réaliser. « Je ne me suis pas encore fait d’argent avec mes œuvres, elles me permettent juste de rembourser mon matériel et la location de mon atelier. C’est très bien comme ça, j’ai un métier pour vivre ! » Boulanger, il n’hésite pas à détourner son métier pour créer. Lorsqu’il réalise des moulages de visages en cire, il le fait comme des moulages en chocolats. « L’alimentation est une forme d’art. » Peu importe qu’il ne s’agisse pas de la technique enseignée aux Beaux-Arts, « cela marche quand même ! » Il n’a d’ailleurs jamais souhaité intégrer une école spécialisée. « Apprendre une technique vingt ans avant de m’en servir ne m’intéresse pas », avoue-t-il, même s’il reconnaît que lors d’un collectif formé avec d’anciens étudiants, les apports se sont faits dans les deux sens.
Ne souhaitant pas expliquer son travail, il ne nous donnera pas de clef de lecture. Son but est de nous faire réagir, peu importe comment. « Des fois cela marche, d’autres fois non, mais pour arriver à quelque chose, j’ai aussi besoin de me tromper. » Néanmoins, pour peu que l’on se penche dessus, son travail parle de lui-même. Par exemple, en laissant voir l’architecture du corps, en en dévoilant le squelette, il crée un espace intermédiaire où le monde des vivants rencontre celui des morts, générant une forme de poésie déviante. Entre détournement et dérision, ses œuvres ne versent ni dans le gore ni dans le repoussant. S’inscrivant dans la longue lignée des vanités et des images anatomiques, mais aussi dans la tradition nordique du grotesque et du macabre, il nous en offre une vision contemporaine. 


                                                                                           Magalie Brissaud et Guillaume Limatola

Rédigé pour le magazine Transversalles, numéro novembre/décembre 2011

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